La Contestation de Créance en Procédure Collective : Enjeux et Modalités
La contestation de créance est une étape essentielle dans le cadre des procédures collectives (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire). Elle permet aux débiteurs et aux organes de la procédure de remettre en question certaines créances déclarées par les créanciers. Cette contestation peut concerner le montant, l’existence ou la nature d’une créance, et elle est soumise à un cadre juridique strict défini par le Code de commerce.
1. Définition et Cadre Juridique
La contestation de créance est encadrée par l’article L622-27 du Code de commerce, qui précise que :
« Le débiteur ou toute personne intéressée peut contester une créance déclarée devant le juge-commissaire. Le mandataire judiciaire est chargé de l’examen des créances et de leur vérification. »
Elle intervient après la déclaration des créances, qui doit être effectuée par les créanciers dans un délai de deux mois après la publication du jugement d’ouverture au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales).
2. Qui Peut Contester une Créance ?
Plusieurs acteurs peuvent remettre en cause une créance inscrite dans le cadre d’une procédure collective :
Le débiteur : il peut contester l’existence d’une dette qu’il juge erronée ou abusive.
Le mandataire judiciaire : chargé de l’examen des créances, il peut refuser ou ajuster certaines créances déclarées.
Le commissaire à l’exécution du plan (dans le cadre d’un plan de redressement ou de sauvegarde).
Un autre créancier : s’il estime qu’une créance inscrite nuit à ses propres droits.
3. Motifs de Contestation de Créance
La contestation peut porter sur plusieurs aspects :
a) L’Existence de la Créance
La créance n’a jamais existé ou a déjà été remboursée.
La créance repose sur un contrat inexistant ou frauduleux.
b) Le Montant de la Créance
Le créancier demande un montant supérieur à ce qui est réellement dû.
Des pénalités ou intérêts sont abusifs ou non conformes aux conditions contractuelles.
c) La Qualité du Créancier
Une société réclame une créance alors qu’elle a cédé la dette à un tiers.
Le créancier ne dispose pas des documents justificatifs.
d) La Nature de la Créance
Un créancier revendique une créance privilégiée, alors qu’elle devrait être chirographaire.
Un salarié réclame une indemnité alors que la dette relève de l’AGS (Assurance Garantie des Salaires).
4. Procédure de Contestation de Créance
a) Vérification par le Mandataire Judiciaire
Le mandataire judiciaire est le premier organe en charge de vérifier les créances déclarées. Il dresse un état des créances, qu’il soumet au juge-commissaire.
b) Contestation Devant le Juge-Commissaire
Si une créance est contestée, la contestation est portée devant le juge-commissaire. Celui-ci peut :
Accepter la créance après justification du créancier.
Modifier son montant ou sa qualification.
Rejeter la créance si elle est jugée infondée.
c) Recours en Cas de Désaccord
Si l’une des parties (créancier ou débiteur) n’est pas satisfaite de la décision du juge-commissaire, elle peut former un recours devant le tribunal de commerce (article L624-3 du Code de commerce).
5. Conséquences de la Contestation de Créance
Si une créance est contestée avec succès :
Le créancier ne pourra pas être payé dans le cadre de la procédure collective.
Le passif de l’entreprise en difficulté sera réduit, ce qui peut améliorer ses chances de redressement.
Le créancier pourra introduire une action en justice pour tenter de faire valoir ses droits.
En revanche, si la contestation échoue :
La créance sera inscrite dans l’état des créances.
Le créancier pourra être payé selon son rang (privilégié, chirographaire, etc.).
6. Cas Particuliers et Jurisprudence
Certaines créances font souvent l’objet de contestations spécifiques :
Les dettes fiscales et sociales : L’URSSAF et l’administration fiscale doivent apporter la preuve de leurs créances.
Les prêts bancaires : Contestations liées aux intérêts abusifs ou aux clauses contractuelles.
Les créances résultant d’un cautionnement : Le dirigeant peut contester une dette dont il s’est porté garant.
7. Conclusion
La contestation de créance est un mécanisme clé dans les procédures collectives, permettant d’éviter des paiements injustifiés et de protéger les intérêts des parties concernées. Elle nécessite une approche rigoureuse et une connaissance approfondie du Code de commerce. Un dirigeant ou un créancier confronté à ce type de litige doit s’appuyer sur un conseil juridique spécialisé pour défendre efficacement ses droits.
Conseil et Assistance
Ce texte a été rédigé avec le conseil et l’assistance de Jean-Michel Geslin, expert en gestion de crise, restructuration d’entreprises et accompagnement des entreprises en difficulté.